Par TwogFr 27/11/2015

Pourquoi les humoristes professionnels ne sont pas drôles sur Twitter ?

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Gad Elmaleh, Kev Adams, Tony Saint Laurent, Norman Thavaud, Anne Roumanoff, Jean-Marie Bigard, Arthur : ils seront nombreux à garder un mauvais souvenir de leur passage sur Twitter. Pourquoi ces humoristes (plus ou moins) célèbres n’ont-ils pas réussi à conquérir Twitter comme ils ont réussi à conquérir leur public ?

Twitter : un exercice de style

Il est difficile de donner une raison unique à ce désamour tant les causes semblent diverses selon l’humoriste que l’on considère. Certains évoquent la difficulté pour ces rois de la punchline de se retrouver face à un public pas forcément acquis. En effet, lorsqu’ils se retrouvent sur scène, les humoristes sont généralement face à des gens qui ont payé pour les voir, qui arrivent avec un a priori forcément positif. De plus, ils se retrouvent dans une atmosphère propice, face à un artiste qui a préparé son texte, qui l’a travaillé, et qui sait donner l’intonation pour qu’il fasse mouche.

Là encore, il ne faut pas généraliser : de nombreux humoristes de talent savent retourner en quelques secondes un public pas forcément dans l’ambiance, tout en improvisant un texte.

Le naufrage Gad Elmaleh

Arrivé en fanfare sur Twitter début 2012, alors que le réseau social était déjà mature, la star de l’humour a très vite du faire face à une pluie de critiques. Pourtant, d’emblée, l’humoriste semblait apprécier ce réseau social qui lui permettait de rentrer directement en contact avec l’immense communauté de ses fans. Rapidement, Gad Elmaleh atteint 100 000 followers, puis 200 000, célébrant à chaque fois le passage de ces seuils symboliques.


 

Excès de confiance ? Rapidement, certains twittos dénoncent l’arrogance de l’humoriste qui se contente de tweeter ses triomphes en salle, ou qui ne suit qu’un seul compte : son fan club ! Les premiers faux pas arrivent quand Gad commence à faire de la politique dans ce monde où toutes les tendances s’expriment. En juin 2012, il s’en prend à Cécile Duflot au sujet du cannabis.


 

Quelques mois plus tard, alors que le comédien Philippe Torreton s’adresse à l’exilé fiscal Gérard Depardieu dans une lette ouverte, Gad Elmaleh – qui venait de soutenir Nicolas Sarkozy et son bouclier fiscal lors de la précédente élection présidentielle – le tacle d’un tweet assassin.


 

Mélange de haine et d’orgueil, ce tweet est très rapidement largement critiqué par une frange très important de Twitter.


 

Le fond est touché lorsque s’enchaînent une publicité consternante pour une banque et un scandale de… compte en Suisse. La coupe est pleine !


 

Le piège Twitter

Mais Gad Elmaleh n’est pas le seul à se casser les dents sur Twitter. Les utilisateurs du réseau social semblent prendre un malin plaisir à se moquer des humoristes les plus en vue. Mais bien souvent, c’est l’orientation politique des humoristes (Bigard, Gerra) ou bien un effet d’entraînement (Roumanoff) qui sont en cause.

Cela dit, il faut reconnaître que, bien souvent, les blagues des humoristes sur Twitter font un bide. C’est assez facilement compréhensible lorsque l’humoriste reproduit le style d’une blague qu’il a l’habitude de faire en public. Sur Twitter, une blague arrive au milieu d’une timeline, hors contexte et hors ambiance. Il faut que le tweet soit drôle de manière autonome. De plus, les humoristes sont attendus au tournant : si la blague est moyenne, l’effet sera d’autant plus désastreux pour l’humoriste. Gad Elmaleh, encore lui, en a fait l’expérience, et se contente aujourd’hui de tweeter à propos de son actualité après quelques bides.


 

Mais il n’y a pas que lui.


 

La tentation du plagiat

Et puis il y a ceux qui, rapidement, voient leur réputation détruite par un usage immodéré du plagiat. Devant un public, sur une scène, c’est comme les mensonges des politiques : difficile de vérifier, difficile de dénoncer. Sur Twitter, par contre, le plagiat est traqué et identifié rapidement.

À ce petit jeu, Tony Saint-Laurent du Jamel Comedy Club a rapidement fait face à la bronca des twittos après des reprises répétées de poncifs du rire ou de tweets écrits par d’autres. Quelle ne fut pas la surprise de twittos, allant voir l’humoriste sur scène, quand ils découvrirent des tweets repris tels quels, ou des blagues simplement pompées sur celles d’humoristes américains célèbres, comme si les gens ne regardaient jamais la télé.

L’humour sur Twitter : un métier ?

Loin s’en faut, de nombreux humoristes parviennent tout de même à s’en sortir sur le réseau de microblogging. Pour cela, ils changent de registre et de méthode par rapport à ce qu’ils font devant un public. C’est le cas de Pierre-Emmanuel Barré (@sale_con), Guillaume Meurice ou bien Didier Porte par exemple. Le secret ? Des blagues spécifiquement écrites pour Twitter, une vraie timeline humoristique qui fait office parfois de brouillon pour des blagues plus étoffées en one-man-show. Du rire original et exclusif que de nombreux professionnels rechignent à gaspiller sur ce réseau social qui ne leur rapporte rien.

La conclusion serait peut-être que ceux qui sont réellement drôles sur Twitter sont… les twittos, les vrais. Ceux qui réfléchissent en permanence à la blague qui fera mouche en 140 caractères, la petite phrase qui tiendra toute seule sur ses pattes, même lorsqu’on la relira dans six mois. Et pour cela, nul besoin d’être un roi de la scène, d’être à l’aise devant un public, de savoir le captiver : tout est dans la petite phrase, écrite, qui va devoir faire sa vie toute seule comme une grande sans l’aide de mimiques, d’une intonation ou d’une foule qui encourage.

Twitter, ce n’est pas un one-man-show, c’est un lieu où l’expression est nue. Tout cela demande un talent particulier, celui de ceux qui écrivent, pas celui de ceux qui parlent. À ce jeu, les cartes sont rebattues, les grands deviennent petits et les petits deviennent grands. De véritables génies de l’humour peuvent émerger, que nous essayons de mettre en avant chaque jour ici-même !

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