Par TwogFr 19/06/2019

3 questions à @TristanKamin sur une autre vision du nucléaire !

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De plus en plus décrié, le nucléaire n’a plus la côte et beaucoup souhaitent sa disparition. Sur Twitter @TristanKamin, ingénieur d’études de sûreté nucléaire, nous donne un avis divergent.

……….

1. Après les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima, la population a peur du nucléaire et la tendance en est à la sortie. Pourquoi penses-tu qu’il s’agit d’une mauvaise idée ?

 

En premier lieu, parce qu’il s’agit d’une décision extrêmement importante dont les enjeux (économiques, technologiques, sociaux…) se répercutent sur plusieurs décennies, et je ne vois pas comment laisser la peur guider une telle décision peut être une bonne idée.

Plus concrètement, aucun de ces accidents ne peut raisonnablement conduire à penser «le nucléaire en France est trop dangereux parce que Tchernobyl, parce que Fukushima».
Tchernobyl, c’est un réacteur en tous points différents des nôtres, à une époque bien différente, dans une société bien différente (et ça n’est pas anodin : la gestion de crise en U.R.S.S., ou plutôt le déni de crise, a rendu cette catastrophe bien plus grave qu’elle n’aurait pu l’être).

Quant à Fukushima, technologiquement, on est plus proche de notre parc, mais les circonstances diffèrent toujours énormément : les risques environnementaux sont bien moindres en France, et l’organisation de la filière nucléaire est plus robuste, avec notamment une Autorité de Sûreté autoritaire, indépendante des décideurs politiques, qui a du pouvoir. Tout le contraire du nucléaire japonais d’avant 2011. Par ailleurs, la perception apocalyptique de Fukushima qu’a le public européen est très loin de la réalité des faits. Un français sur deux pense que les retombées radioactives de l’accident feront plus de 5000 morts, tandis qu’un sur cinquante pense qu’elles feront moins de 50 morts, ce qui est bien plus proche de la réalité. Les principales conséquences de Fukushima sont l’évacuation forcée et sur plusieurs années de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Déplaisant et à éviter autant que possible, certes, mais en l’absence de conséquences sanitaires notables hormis cette évacuation, ça paraît excessif d’en déduire la nécessité d’une sortie du nucléaire en France.

Enfin, se pose la question de savoir comment produire notre électricité si ce n’est au nucléaire…

2. L’éolien, le solaire, les bioénergies, il existe de plus en plus d’énergies renouvelables. Pourquoi dans ce cas continuer avec le nucléaire ?

 

Elles ont toujours existé. Les bioénergies sont les énergies renouvelables de toujours, au travers de la combustion du bois. L’éolien a été mis a profit dans les transports probablement avant que ne roule la première roue. Quant au solaire, il a été exploité au travers de la photosynthèse et donc des bioénergies, non ? Certes, la société moderne (permise par les énergies fossiles) a apporté de nouvelles façons d’exploiter les énergies renouvelables avec l’alternateur et le photovoltaïque, mais les énergies, elles, restent les mêmes, et restent insuffisantes (sinon, on n’aurait pas eu besoin des énergies fossiles).

Elles sont mêmes plus insuffisantes que jamais car, aujourd’hui, on veut de l’énergie quand on en a besoin, pas quand la nature veut bien nous en donner. On ne voudra pas attendre que le vent se lève pour alimenter en énergie nos transports (comme les voiliers jadis) ou que les nuages se dispersent pour que le soleil puisse alimenter nos usines.

Actuellement, dans l’électricité comme dans les autres domaines, les énergies renouvelables sont marginales parce que peu concentrées et, surtout, peu contrôlables. Pour satisfaire les exigences d’une société moderne, ne restent alors, au premier rang, que les énergies fossiles et le nucléaire.

Ceci étant dit, il suffit de penser climat et pollution atmosphérique pour savoir pourquoi nous devons continuer – et même accélérer – avec le nucléaire. N’oublions pas que dans le monde, le charbon est toujours le principal moyen de production électrique ! Et dans l’Union Européenne, pétrole, charbon et gaz fournissent encore 45% de notre électricité ! En gardant à l’esprit qu’il ne sera pas adapté en tout lieu, ni en toutes circonstances, donc d’autres leviers d’action sont à identifier et à mettre en œuvre.

3. On ne sait pas encore comment traiter les déchets radioactifs si ce n’est en les stockant, ce qui fait que l’on doit les conserver pendant des milliers d’années. Penses-tu que ce soit une solution viable ?

 

En fait, hormis certains déchets recyclables, on ne sait traiter aucun déchet, radioactif ou non. Parce que la définition d’un déchet ultime, c’est une matière dont on ne peut plus rien faire. Stocker est donc toujours la solution, que ce soit un stockage au sol, en sous-sol… Ou dans l’atmosphère après combustion des déchets. Ça n’a rien de choquant de stocker les déchets, c’est la marche normale de notre civilisation.

Dans le cas du nucléaire, on évite le stockage dans l’atmosphère, je crois qu’on peut s’en réjouir. On stocke au sol pour les déchets dont la radioactivité décroît rapidement, pour assurer leur surveillance, le gardiennage pendant les quelques décennies – jusqu’à 3 siècles tout de même – où c’est jugé nécessaire.

Par contre, concernant les déchets à vie longue, il faudrait surveiller, protéger, contrôler, entretenir… Les stockages pendant des dizaines de millénaires, ce qui est à priori impossible à garantir. C’est pourquoi, pour ceux-ci, on se tourne vers un stockage souterrain, à grande profondeur, dans des couches de roches stables depuis plus de 100 millions d’années. À cette échelle, les 100 000 ans nécessaires pour que la radioactivité de nos déchets décroissent sont anecdotiques… Plus besoin de surveillance ni d’aucune intervention humaine, donc.

De ce fait, oui, stocker les déchets c’est viable, y compris les déchets nucléaires, y compris ceux à vie longue, pourvu que les choses soient bien faites. Des roches favorables, stables, un site conçu pour en faire un stockage (et non pas une simple mine recyclée dans ce but)… Ça l’est d’autant plus que le nucléaire produit très peu de déchets par rapport à la quantité d’énergie produite. Un gramme d’uranium qui fissionne entièrement, ça fait un gramme de radioéléments très radioactifs et à vie longue. Et ça produit autant d’énergie que la combustion de deux tonnes de pétrole… Dont la totalité des déchets finiraient, eux, dans l’atmosphère. Ou dans nos poumons.

Au final, nombre des aspects touchant à l’énergie, à l’électricité et au nucléaire, s’ils sont relativement complexes, peuvent être expliqués et compris par qui y consacrera un peu de temps.

On peut dès lors regretter que cet effort de pédagogie soit évité par les acteurs les plus médiatiques, notamment les personnalités politiques et les organisations non gouvernementales. Ils n’hésitent ainsi pas à conserver le public assez mal informé des enjeux et des problématiques, pour peu que cela serve leurs objectifs militants.

Pour plus de renseignements, vous pouvez consulter le site ci dessous, réalisé par des chercheurs du CNRS :

http://www.laradioactivite.com/

 
 

Commentaires 4

3 Réponses Replier
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Nathalie (invité)

Le 19/06/2019, à 16:47

Dites donc, c’est sponsorisé par EDF ce billet? Très partiel et partisan ces informations! Vu votre influence, notamment auprès des plus jeunes générations, c’est assez dangereux de s’avancer sur des questions pareilles d’une manière aussi uniforme. J’espère que vous avez prévu le billet de réponse avec les arguments sérieux en face parce que non, ce n’est pas parce qu’on fait aussi des déchets plastiques que les nucléaires ne sont pas graves (et le déchet n’est “la marche normale de notre civilisation” que depuis quelques petites dizaines d'années, et on est déjà en train de remettre ça en cause), et non, le renouvelable ce n’est pas que le solaire et l’eolien, et ça peut fournir de l’energie en continu! Et oui, la première chose à faire pour réduire notre impact écologique c’est de réduire notre consommation d’energie... ce qui va complètement à l’encontre du nucléaire qui ne sait faire que des quantités importantes d’énergie mais ne sait pas être flexible!

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Benjamin (invité)

Le 19/06/2019, à 22:04

Au contraire, ce sont presque toujours les "informations" des opposants qui sont très orientées. Tout ce qui est dit dans ce billet est hautement factuel. Donc non, j'espère qu'il n'y aura pas de réponse de la part de Greenpeace ou Sortir du Nucléaire, car ce sont bien les personnes les moins compétentes pour en parler.
La production de déchet est un processus normal de la société industrielle qui a apporté le confort moderne (et oui, sans révolution industrielle, pas d'augmentation de l'espérance de vie, pas de médecine, pas de numérique, l'esclavage existerait toujours en occident, et vous seriez en train de ramasser des patates). Remettre en cause cet état de fait, c'est remettre en cause tous les acquis sociaux fait depuis 2 siècles.
Et si, aujourd'hui, les "nouvelles" énergies renouvelables c'est surtout de l'éolien et du solaire, car ce sont les seules qui sont déployables partout. Et elles sont intermittentes, car le coût de leur stockage multiplierait leurs prix par 5 à 10. Toutes les autres sources renouvelables sont anecdotiques, à l'exception de l'hydraulique, pour une raison très simple : ça a toujours été le premier moyen de production d'électricité développé, car il est pilotable et pas cher, mais il est limité par la topographie et l'hydrographie, et en France, on est au maximum.
Réduire notre consommation d'énergie, au premier ordre, c'est réduire notre confort de vie. Si ça vous fait plaisir de retourner ramasser des patates ou que votre pouvoir d'achat soit divisé par 3, c'est votre problème, mais tout le monde ne sera pas d'accord avec vous.
Enfin, le nucléaire est capable de faire petit, les premiers réacteurs commerciaux dérivaient de ceux des sous-marins, et étaient donc de faible puissance (quelques dizaines de MW). Et contrairement à votre affirmation, le nucléaire peut être flexible. Les réacteurs de sous-marins en sont le parfait exemple. Mais également le suivi de charge assuré par EDF sur son parc.
https://lenergeek.com/2019/03/07/mix-electrique-nucleaire-tristan-kamin/

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Aurelie (invité)

Le 20/06/2019, à 00:47

Si vous voulez vraiment prétendre corriger des erreurs, évitez d'en commettre vous-même...

1/ l'humanité à toujours produit des déchets. Nos déchets actuels sont plus visibles et nuisibles car notre évolution ces deux derniers siècle est vertigineuse, mais ce n'est pas une raison pour s'imaginer que l'homme pré-revolution industrielle ne dégradait pas salement son environnement.
2/ oui, les renouvelables en général peuvent tout à fait produire en continu. Avec un coût écologique et financier qu'il est totalement stupide d'envisager puisqu'on peut arriver au même résultats avec des fossiles ou du nucléaire pour un coût infiniment plus faible.
3/ le nucléaire est pilotable, donc par définition très flexible, comme l'illustre notre production qui doit s'adapter à la production médiocre des éoliennes et panneaux solaires qui dégradent la qualité de notre mix énergétique.

Documentez-vous un peu sur l'an question au lieu de recracher les arguments prémachés de Greenpeace ou SND...

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JujuC31 (invité)

Le 20/06/2019, à 07:49

Bonjour, je ne suis pas d’accord avec votre commentaire et je vais tacher d’y répondre point par point, de manière cordiale.

Premièrement concernant la partialité des informations, je trouve injuste que parce qu’une opinion est donnée (apparemment contraire à la vôtre) vous lui donniez une étiquette. Je pourrai très bien demander si votre commentaire n’est pas sponsorisé par Greenpeace et je pense que mise à part ne pas vous faire plaisir et réduire un débat important pour la société à un clivage pro/anti-nucléaire, cela n’a que peu d’utilité.

Je pense d’ailleurs que les arguments avancés ici sont extrêmement sérieux et dans le cas contraire je souhaiterais savoir lesquels ne semblent pas l’être pour vous. Après je suis d’accord avec vous que des questions aussi complexes ne peuvent se résumer en quelques lignes d’interview, mais cela donne une vision.

Concernant les déchets, je suis en ce moment plus inquiet de la quantité de plastique qui est en train de ravager faune et flore marine (on en arrive à avoir des îles de plastique) que des déchets nucléaires qui sont aujourd’hui répertoriés (avec une précision redoutable), gérés (il y a toute une industrie qui le gère) et pour lesquels des solutions de stockage existent... D’ailleurs je tiens à souligner que seul 3% des déchets nucléaires sont véritablement problématiques (et 0.2% vraiment très radioactifs : https://inventaire.andra.fr/les-donnees/dechets-radioactifs-bilan-des-stocks-fin-2017) et que les autres 97% ne sont stockées qu’à titre de précaution : si vous faites tomber votre mouchoir à l’entrée d’une zone nucléaire (pourtant non contaminée), c’est un déchet radioactif et il sera stocké alors qu’il n’est en aucun cas radioactif...

Je suis absolument d’accord avec vous concernant la baisse de la consommation d’électricité et je pense que l’auteur aussi (il n’a pas écrit qu’il était opoosé me semble-t-il). En revanche concernant les variations d’énergies produites par le nucléaire et les renouvelables je vous propose de vous renseigner sur la définition du taux de charge en électricité. Vous verrez qu’en moyenne une éolienne ne produit que 20% du temps... je vous pose donc la question de comment on fournit de l’électricité pour les 80% du temps restant ? Le raisonnement est analogue pour le photovoltaïque à la différence près que la variation de son taux de charge est bcp plus facilement prédictif que celui des éoliennes (course du soleil).

Concernant la variabilité du nucléaire regardez ce qu’est le suivi de charge du nucléaire : les centrales ont la capacité de faire varier leur puissance par différents moyens industriels. La majorité des centrales le font d’ailleurs tous les jours pour compenser notamment les variations de vent et donc d’électricité apportées par les éoliennes.

Bonne journée,

Julien

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